Oncle Jack
John Martin Feeney dit John Ford est né le 1er février 1894 à Cape Elizabeth
près de Portland (Maine).
En 1909, son frère Frank T. Feeney part pour la Californie. Il y deviendra Francis Ford, acteur et réalisateur de serials pour les studios Universal
En 1914, son frère Francis lui parle d'Hollywood. John Martin décide alors de lui emboîter le pas. C'est l'occasion pour lui de découvrir
les métiers du cinéma sur les films que son frère interprète et
réalise pour les studios Universal. Il adopte le même pseudonyme et
apparaît aux génériques sous le nom de Jack Ford. En 1915, il interprète
également des petits rôles dans les films de son frère dont il devient
l'assistant-réalisateur. Il affirme avoir joué l'un des membres cagoulés
du Ku Klux Klan dans "Naissance d'une nation" de D.W. Griffith.
A partir de 1916, il est engagé par les studios Universal comme
assistant-réalisateur. Il se voit confier par hasard sa première réalisation :
"The Tornado" (1917). Il signe son premier contrat de réalisateur
avec Universal et devient le réalisateur attitré des westerns.
En 1919, il acquiert la stature d'un réalisateur important à Hollywood.
La plupart des films muets réalisés pour Universal sont aujourd'hui perdus.
Il n'en reste que trois : "Le Ranch Diavolo" (Straight Shooting, 1917) qui est
son premier long métrage, "A l'assaut du boulevard" (Bucking Broadway, 1917)
récemment retrouvé, et "Du Sang dans la prairie" (Hell Bent, 1919).
Dans ces trois films on retrouve déjà les caractéristiques des grands
westerns de Ford : sa manière d'intégrer les personnages dans des
décors naturels sublimes, des personnages féminins consistants
qui sont l'égal des hommes.
Les films réalisés par Ford au début des années 1920 ont aussi,
pour une grande partie d'entre eux, disparu. Il ne reste que "Just Pals" (1920)
qui est le premier film que l'auteur réalise pour le compte de la Fox
et "Cameo Kirby" (1923) qu'il signe "John Ford" pour la première fois,
à la place de son précédent pseudonyme.
Ford se voit confier en 1924 la réalisation du "Cheval de fer"
(The Iron Horse), production pharaonique de la Fox. En 1926, toujours pour
la Fox, il réalise "Trois sublimes canailles" (Three Bad Men). En 1927,
il se rend en Allemagne pour le tournage des "Quatre Fils" (Four Sons)
et découvre à cette occasion le cinéma expressionniste.
Ce film est le plus grand succès public de la carrière muette de Ford.
Il réutilisera une photo au style volontairement expressionniste en 1928
dans "La Maison du bourreau" (Hangman's House). En 1927 il est élu à
la tête de la Motion Pictures Directors Association.
Le premier film entièrement parlant de Ford est
"Napoleon"s Barber" (aujourd'hui perdu).
En 1930, "Hommes sans femmes" (Men Without Women) est la première
collaboration de Ford avec le scénariste Dudley Nichols. Ford a
trouvéun scénariste en phase avec son cinéma. En 1931, la Fox met fin à son
contrat. Il peut désormais tourner pour d'autres compagnies.
En 1931, il réalise "Arrowsmith" pour le producteur Samuel Goldwyn, qui
lui vaut sa première nomination aux Oscars.
Son film suivant, "Tête Brûlée" (Air Mail, 1932) est produit par Universal.
Il réalise ensuite son premier film pour la Metro Goldwyn Mayer :
le mélodrame "Une femme survint" (Flesh, 1932). Il retrouve Dudley Nichols
pour "La Patrouille perdue" (The Lost Patrol) qu'il met en scène en 1934
pour la RKO. Lié par son contrat avec la Fox, il doit prendre en charge
la réalisation du "Monde en marche" (The World Moves On, 1934).
Bien que ce film comporte des scènes de guerre très réussies,
Ford détestera ce film.
Il eut plus de réussite avec"Judge Priest" (1934) avec Dudley Nichols
au scénario et l'acteur Will Rogers qu'il avait dirigé l'année précédente dans
"Doctor Bull" (1933) et qu'il dirigera à nouveau en 1935 dans
"Steamboat Round the Bend". "Judgd Priest" est l'un de ses films préférés.
Il en fera un remake en 1952 : "Le Soleil brille pour tout le monde"
(The Sun Shines Bright).
En 1935, Ford fonde aux cotés de King Vidor, Lewis Milestone,
William A. Wellman, Frank Borzage et Gregory La Cava la Screen Directors
Guild pour remplacer la Motion Pictures Directors Association. "Le Mouchard"
(The Informer, 1935) qu'il réalise très rapidement pour la RKO en studio
et avec un petit budget, lui permet d'aborder l'Irlande qu'il présente comme
une terre de souffrance et de misère qui combat l'envahisseur britannique.
Avec ce film ténébreux, formellement proche du cinéma expressionniste
et bien éloigné de son univers habituel, le cinéaste remporte paradoxalement
son tout premier Oscar du meilleur réalisateur en 1936.
Twentieth Century Pictures rachète en 1935 la Fox qui devient
20th Century Fox et dont le patron est Darryl F. Zanuck.
Ford réalise en étroite collaboration avec son nouveau patron,
"Je n'ai pas tué Lincoln" (The Prisoner of Shark Island, 1936).
L'association entre Ford et Zanuck commence par un violent affrontementau
sujet de l'accent sudiste de Warner Baxter que Ford souhaite conserver.
Ford accède finalement aux désirs de Zanuck. Par la suite une grande
admiration et une estime réciproque s'installeront entre les deux hommes.
Il vit une liaison avec Katharine Hepburn qu'il dirige sur "Marie Stuart"
(Mary of Scotland) pour la RKO en 1936.
Il réalise "The Hurricane" (1937) produit par Samuel Goldwyn.
Avec "La Chevauchée fantastiqe" (Stagecoach, 1939), Ford renoue avec le western. Ford, à l'origine du projet, ne parvient cependant pas à convaincre
David O. Selznick de le produire ; celui-ci n'a aucune confiance en John Wayne
qui n'a tourné que dans des westerns mineurs depuis le début des années 1930.
Ford s'adresse donc à Walter Wanger et United Artists. Pour la première fois,
il tourne en extérieur, à Monument Valley.
Pour ce film qui fait l'unanimité des critiques, ce qui est encore inédit
pour un western, Ford reçoit le New York Film Critic Award mais
échoueaux Oscars face à "Autant en emporte le vent".
Après "La Chevauchée fantastique", Ford retrouve Zanuck.
Il réalise l'admirable "Vers sa destinée" (Young Mr. Lincoln, 1939)
avec Henry Fonda qui sera également l'acteur principal de ses deux films suivants :
"Sur la piste des Mohawks" (Drums Along the Mohawk, 1939),
son premier film en couleur
et "Les Raisins de la colère" (The Grapes of Wrath, 1940). Pour ce dernier film,
Ford obtient en 1942, pour la seconde fois, l'Oscar du meilleur réalisateur.
Il est alors au faîte de sa gloire, son talent est reconnu tant par la critique
que par les professionnels du cinéma.
Il rempile avec John Wayne dans "Les Hommes de la mer"
(The Long Voyage Home, 1940).
Dernier film de Ford avant la guerre, "Qu'elle était verte ma vallée"
(How Green Was My Valley, 1941) est un immense succès public et critique.
Il rafle cinq Oscars dont ceux du meilleur film et de la meilleure
réalisation, puis le New York Film Critics Award auquel Ford
est désormais habitué.
Dès 1939, Ford a l'intuition que l'Amérique ne tardera pas à être
entraînée dans la Seconde Guerre mondiale. Il est à la tête d'un groupe de cinéastes
qui demandent à Roosvelt le boycott de l'Allemagne nazie et fonde la Naval Field Photographic Unit dans le but de mettre les talents d'Hollywood au service de l'armée.
En octobre 191, celle-ci est officiellement reconnue et au moment de l'attaque japonaise
sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, l'équipe est opérationnelle et éparpillée
aux quatre coins du monde alors que les
armées de terre et de l'air organisent des équipes similaires.
Après la guerre, de retour à Hollywood, Ford reprend le chemin de
Monumental Valley pour tourner "La Poursuite infernale"
(My Darling Clementine, 1946). Il y retrouve Henry Fonda qu'il dirige
à nouveau dans "Dieu est mort" (The Fugitive, 1947).
Ford retrouve rapidement le succès populaire avec
"Le Massacre de Fort Apache" (Fort Apache, 1948) qui ouvre le Cycle de la cavalerie.
C'est sa première collaboration avec Frank S. Nugent
comme scénariste attitré du réalisateur.
Le réalisateur s'offre cependant une parenthèse avec la comédie "Planqué malgré lui" (When Willie Comes Marching Home, 1950).
Pendant la période sombre du maccarthisme, Ford dénonce des "méthodes
dignes de la Gestapo". En mars 1951, Ford part pour l'Irlande tourner
"L'Homme tranquille" (The Quiet Man), projet qui lui tient à cœur depuis les années trente. Le film est l'un des plus importants succès public de la
Republic Pictures et permet au réalisateur d'empocher un quatrième et
ultime Oscar de la mise en scène en 1952.
Ford porte ensuite au cinéma une pièce qu'il avait montée en 1949,
"What Price Glory" (1952) avant de réaliser "Le Soleil brille pour tout le monde", remake de "Judge Priest".
En 1952, il tourne "Mogambo" en Afrique.
Après avoir surmonté des problèmes de santé, il revient au
cinéma en 1955 pour filmer en cinémascope
"Ce n'est qu'un au revoir" (The long Gray Line, 1955)
Mais son alcoolisme s'aggrave ; il souffre bientôt d'hémorragies internes
et les retrouvailles avec Henry Fonda pour "Permission jusqu'à l'aube"
(Mister Roberts, 1955) sont calamiteuses.
Il retrouve néanmoins tous ses moyens pour réaliser le magnifique "La Prisonnière du désert" (The Searchers, 1956).
Fatigué par l'alcool et une carrière sans répit, John Ford retourne en Irlande pour réaliser "Quand se lève la lune" (The Rising of the Moon, 1957),
un film sur les origines irlandaises de Tyrone Power.
Il enchaîne avec "L'Aigle vole au soleil" (The Wings of Eagles, 1957)
sur son ami le scénariste Frank W. Wead, avant de s'exiler d'Hollywood pour réaliser sans conviction en 1957 à Londres un petit film policier,
"L'Inspecteur de Service" (Gideon's Day, 1958).
L'année suivante, "La Dernière Fanfare" (The Last Hurrah, 1958)
avec Spencer Tracy sonne comme un chant d'adieu. Dans ce film qu'il produit lui-même, il réunit les comédiens et amis qui l'ont accompagnés durant sa carrière.
En 1959, Ford peine à tirer vers le haut dans "Les Cavaliers"
(The Horse Soldiers, 1959).
Il est cependant beaucoup plus enthousiaste à l'idée de réaliser
"Le Sergent noir" (Sergeant Rutledge, 1960) un western
dont un noir américain est le héros.
Il se lie d'amitié avec Strode qu'il dirigera encore à trois reprises dans
et "Frontière Chinoise". Le pessimisme du Ford des dernières années
apparaît nettement dans "Les Deux Cavaliers", "L'Homme qui tua Liberty Valance", son dernier chef d'œuvre. Ce film aborde à nouveau
les thèmes développés dans "La Dernière Fanfare": les vrais héros sont désormais inutiles et dérisoires 1960). Lors du tournage, il apprend la mort de
son ami et acteur Ward Bond. Très touché par cette disparition,
Ford sombre encore un peu plus dans l'alcool.
Après le sketch sur la Guerre Civile dans "La Conquête de l'Ouest"
(How the West was won, 1962), Ford tourne entre amis
"La Taverne de l'Irlandais" (Donovan's Reef, 1963).
"Les Cheyennes" (Cheyenne Autumn, 1964) est son dernier western.
Il est un hommage au peuple indien. Mais Ford est rattrapé par la fatigue et la maladie, il se désintéresse progressivement du tournage, laissant son assistant réalisateur tourner de nombreuses scènes.
Ford tourne son dernier film "Frontière Chinoise" (7 women, 1966)
avant de s'engager une dernière fois auprès de l'Armée pour soutenir
la Guerre d Viêt Nam.
Il décède le 31 août 1973 à Palm Desert (Californie).
Citation
A propos du film "Les Cheyennes" :
"J'ai voulu montrer ici le point de vue des Indiens, pour une fois. Soyons juste. Nous les avons mal traités. C'est une véritable tache dans notre histoire. Nous les avons roulés, volés, tués, assassinés, massacrés, et, si parfois, ils tuaient un homme blanc, on leur expédiait l'armée."
Filmographie
Films muets (disparus)
Films partiellement sonores
Autres films parlants